BERLIN du 1er jour 

De BERLIN, je ne connaissais que des images, des chansons, des clichés. Un professor Unrat, une Marlène D, un moustachu hystérique à casquette dans une VW décapotée, une svatiska explosant à la fin d’une guerre même si c’était à Nuremberg, un Américain se proclamant Berliner, la carte postale d’un ami de passage à CPC pendant son service militaire. Puis un jour, l’archet d’un Rostropovitch, en avant-scène d’une liesse populaire, pourfendant le béton d’un Mur.

Du BERLIN de notre premier jour, s’inscrit en mémoire vive, un hôtel neuf construit sur la ligne de démarcation, sur la ligne du partage des hommes, sur feu le no man’s land d’un Mur édifié, rasé, d’un Mur de meurtrissures, où, au-delà de la folie guerrière des uns, la stupidité des autres imposait, à une Ville, une Capitale, un Pays, une Communauté, des Familles, la partition, la division, les larmes.

BERNAUER Strasse, que nous avons parcourue telle une patrouille sans uniforme sur un chemin de ronde par un après-midi de novembre, n’était plus, dans le noir et blanc de cette mi-août du sombre été 61.

Aujourd’hui, sur ce boulevard pour tram, pour curieux, peu de restes, de vestiges, du Mur.

Dans ce « non Mur » s’ouvre une porte à la réflexion, pour le passant, le visiteur. Qu’en est-il aujourd’hui de ce demi-siècle de fracture, de séparation pour une Berliner Familie recomposée ?

La Réconciliation au-delà de la Chapelle, se construit-elle comme un petit, un tout petit trait d’union entre les Hommes, dans la fragilité du temps présent, sous le regard d’un temps futur ?

Le Mur, ailleurs dans BERLIN, un autre soir, à la nuit tombée nous l’avons croisé. Sous les Laternen, nous l’avons regardé, mais autrement, comme si les œuvres picturales débridées pouvaient dans le courant de ces Artistes de la Figuration Narrative nous renvoyer au propos du peintre français RANCILLAC : «  Je ne peux détourner les yeux des champs de batailles, des charniers, des tribunaux, des salles de tortures, où le monde se fait, effroyablement vite, sans moi, sans nous…

Un peu de couleurs, un mur s’efface, s’effacera, pour l’œil sans doute.

Restera la matière grise de nos mémoires, pour veiller à l’oubli des années sombres !

 

POTSDAM, 2e jour

En Bus,

Une tribune de circuit automobile perdue sur l’Autobahn. Une prison moderne rechts, un Kanal links. Un long bout de 4 voies dans de beaux quartiers résidentiels. Un cimetière gigantesque sous une forêt couleur d’octobre. Un pont métallique, un château à droite, un autre à gauche, un grand plan d’eau, une route tortueuse dans les bois. Une ville de Kasernen à l’architecture militaire, spartiate et, prussienne, POTSDAM. Une vieille bâtisse couronnée par les ailes d’un moulin à vent. Un joueur de fifre, solitaire, en uniforme de soldat de plomb du XVIIIe.

Nous sommes à SANSSOUCI.

Après une légère pente, un modeste portail, s’ouvre une cour classique, hémisphérique, pour carrosses. Colonnes corinthiennes, je crois, prussiennes sans doute. Au nord une très belle vue, avec un autre château, un parc en contre-haut. Il nous faut vite entrer dans la maison de campagne de FRÉDÉRIC II, le GRAND, « le Salomon du nord ».

Entrée, (pardon) vestibule, là aussi colonnes « grand siècle ». En pied, un Bacchus sympa, taille remarquable. Un corridor en enfilade, version locale d’une galerie des glaces plein nord.

Vient à notre rencontre, tout ce que le classicisme statuaire du XVIIIe devait compter : bustes, vestales, gorgones, bestiaire, marbre, bronze…

S’enchaînent cabinets de travail & bibliothèque… Respect appuyé pour l’Homme des Lumières qui, ancien de la Bastille, et, faute de retour en grâce à Versailles, éclaire le Despote du lieu, l’agace en 1750, le fâche en 1752, le sauve du suicide en 1757...

Peu de pièces pour ce Château, 10 je crois. Des Lumières du Philosophe et du Roi, nous passons au luxe de la façade sud.

Entre marbre au sol et au plafond, coupole dorée, statues tout en gigantisme et en finesse, une heure de contemplation serait nécessaire, aber, verboten !

Et là, de quoi tomber par terre, comme aurait dit le fils de notaire, une Zimmer rococo, aux stucs de couronnes de fleurs, de fruits, et, comme dans un voyage de ZADIG dans les îles du sud, des singes, et des perroquets, des dizaines de perroquets… (J’ai toujours rêvé d’avoir un cacatoès)…

Trop vite, nous sortons, direction le Parc et un tombeau.

Entre 2 Japonais, 4 Italiens, un couple de Français, des enfants en tricycles, nous faisons les touristes. Un vieux militaire de l’EST à l’œil bleu, trapu, et parlant russe, explique à son petit-fils en pointant du doigt le sud, l’ouest, le temps d’avant, il y a 20 ou 25 ans, quand il était ici, en garnison dans sa jeunesse.

Notre guide explique la façade, le pourquoi du SANSSOUCI sans S…

Nous prenons l’un des grands escaliers en cascade, pour rejoindre les bassins et la verdure. Les contremarches des terrasses sont aménagées en serres abritant des figuiers, des treilles, c’est le sud de la Prusse.

Un peu plus bas, on se retourne, la silhouette jaune de SANSSOUCI s’inscrit dans le ciel de novembre qui, pour le touriste, s’est mis au bleu de Prusse.

Çà et là, les mémoires photographiques & numériques des visiteurs personnalisent la carte postale que nous attendions tous. Vu d’en bas du grand escalier, SANSSOUCI ressemblerait, avec sa coupole de cuivre oxydé, à un vaisseau spatial venu d’un autre temps.

Les statues du parc sont habillées pour l’hiver d’un drôle de cercueil.

Nous remontons vers le Château côté ouest, nous pourrions rêver de croiser FRÉDÉRIC entre les charmilles du labyrinthe et les allées cavalières.

Dans cette escapade matinale, nous passons le test du « passer sous l’Aigle de Prusse » afin de vérifier si le touriste dit la vérité : aucune pierre ne tombe, l’excursion continue, on peut reprendre le Bus.

Second passage dans les bâtiments de Garnison et, après une belle manœuvre dans un chemin étroit, un lac, une bâtisse à colombages, un écrin pour couples illégitimes, people, VIP, retraités à grosses berlines, Wilkommen in CECILIENHOF.

Seul le regard peut en parler, il faut y aller… en étant bien accompagné.

Clin d’œil… Des taupes et des taupinières au beau milieu du beau massif de fleurs de la cour d’honneur, et là, succès total pour les taupes, tous les touristes paparazzis armés de numériques, de téléphones, de tablettes, immortalisent leur plus beau souvenir de CECILIENHOF, sans même un regard pour les élégantes de l’hôtel, les croisées des colombages sur trois étages, ou les jacobines des toitures.

 

BERLIN du 3e jour

ALEXANDERPLATZ, UNTER DEN LINDEN, FERNSEHTURM, RATHAUS, GENDARMENMARKT…

Puis HAUS der RHEINLAND-PFÄLZER.

Une marche rapide, un discours, un repas, un bon verre de vin, et, surtout une terrasse, une vision.

Au loin, la coupole d’un BERLIN du XXIe siècle avec la verrière d’un Parlement qui autrefois connut une Nuit des longs Couteaux, le brasier de la démocratie, une Nuit de Cristal, et se montre aujourd’hui transparent pour le visiteur, le citoyen.

Puissent comme l’escalier de la coupole se faire la double révolution des débats, des décisions, dans ce BUNDESTAG retrouvé.    

Au mitant, à droite, la Porte de BRANDEBOURG, dont le Quadrige Romain du XVIIIe au XIXe a circulé de BERLIN à PARIS, puis à BERLIN pour retrouver sa place dans l’Unité. BERLIN a perdu son Mur, retrouvé sa Porte.

Les Portes peuvent bouger, s’ouvrir, puissent-elles ne plus se fermer !

Tout près, au premier plan, un pas, un ancrage, un retour dans le XXe siècle. Des stèles, des stèles, 2.711 stèles, disparates, grises, hautes, basses, la mémoire du Peuple Juif. Un second YAD VASHEM.

Dans ce lieu de mémoire, des Enfants d’aujourd’hui, courent, sautent, jouent, se cachent, vivent. Puisse demain s’écrire une belle Histoire, dans leurs pas joyeux.

 

BERLIN du 4e jour

SCHLOSS CHARLOTTENBURG.

Belle cour carrée où l’on peut songer aux Troupes Equestres ou d’Infanterie rangées par carrés de douze attendant dans le matin frais de novembre que le tambour annonce l’entrée du Vainqueur de la guerre de Trente Ans.

Faute de parade militaire, nous sommes au pied de la statue équestre du grand homme, grands pieds d’ailleurs, aussi, cette statue.

Ce qui frappe c’est la toiture, un bâtiment XVIIIe avec des tuiles mécaniques ? Deutche Qualität ? Dans quelques minutes le guide nous confirmera que durant les bombardements d’une guerre d’il n’y a pas si longtemps, les richesses du château furent mises à l’abri, fort judicieusement car l’édifice fut lui aussi victime des batailles aériennes dont DRESDE reste le triste symbole.

« Visite en quelques flashs personnels »

Une salle à manger, avec cheminé d’angle et aux murs peints dans un style proche des enluminures du Moyen Âge, et non, ce sont des papiers peints chinois.

Une Galerie des glaces dite Dorée ornée de multiples symboles et figurines, tout ou presque y est « neuf » … reconstitution de 1960 et 1970…

Le tableau d’une danseuse au tabourin, qui est présentée comme la décoration du cabinet de travail du Roi. Elle séduit, nous dit-on, la Cour (seulement ?) depuis l’Opéra d’Unter den Linden.

Cocorico, notre Bonaparte à cheval, par David, un cadeau de BLUCHER à son Prince et, sur le mur de droite, notre Champs de Mars où sont consacrés en 1814 les étendards prussiens.

L’argenterie du KRONPRINZ même si l’on n’est pas orfèvre c’est surprenant, on peut comprendre les Américains. Ma préférence reste les porcelaines, ces coupes, ces vases énormes, fins, élégants, où les visages sont bibliques, victoriens ; les scènes, mythiques, de chasse, et même guerrières.

Bien sûr, la Salle des Porcelaines démontre qu’il faut être un collectionneur acharné : 2700 pièces si j’ai bien écouté, du bleu, du bleu, des urnes, des vases, des assiettes, le tout sur des niches d’or, un parquet à la Versailles, on se demanderait presque ce que viennent faire au plafond les fresques des fesses des chérubins et angelots, les signes du zodiaque. Le centre du plafond est occupé par Aurore déesse de l’aube ; cette pièce marque aussi la fin d’un temps, le crépuscule des monarques.  

L’on nous a aussi parlé de la bibliothèque de LEIBNITZ. Nous nous sommes assis dans la Chapelle.

Finalement SOPHIE-CHARLOTTE, on aurait aimé la voir assise au clavecin blanc, l’entendre nous jouer du Couperin, ou nous dire avec un bel accent d’ici «… Les amis sont tièdes et les amants ingrats ...»